Ce voyage est l’occasion de faire des choses surprenantes et imprévues. On a découvert qu’à Moalboal il y a des centres de formation à… la plongée en apnée ! J’avais (Clément) envie d’essayer depuis un moment, alors j’ai fait un stage, puis un autre, qui m’ont amenés à retenir ma respiration pendant 4 minutes 37, et descendre 24 mètres sous l’eau.
Je parle un peu de ce sport et raconte mes sensations. Attention, ça ne risque pas forcément d’intéresser tout le monde ! Les deux trucs les plus sympa ont pour moi été l’apnée statique (qui permet d’atteindre un niveau de relaxation profond) et la descente en poids constant (descendre à la seule force des palmes le plus profond).
AIDA
Pour découvrir l’apnée, je voulais un environnement vraiment sécurisant. On peut lire un paquet de trucs sur Internet qui sont incroyablement dangereux pour s’y mettre sans autres sources d’information (voire pire, seul !), mais je cherchais un cadre dans lequel je pourrais profiter des sensations sans avoir à m’inquiéter de la sécurité. Les stages de l’AIDA (Association Internationale pour le Développement de l’Apnée) existent pour cela.
AIDA est le plus gros organisme d’apnée, il fait référence dans le domaine. Bien que ce sport soit pratiqué depuis très longtemps, l’apnée en tant que sport structuré, avec des associations qui mettent en place des normes, valident les records, et dispensent un enseignement structuré n’existent que depuis peu. AIDA date de 1992 et a pris la suite du CMAS, qui a notamment officialisé les records de Jacques Mayol dans les années 60. A son époque, quand il a commencé à descendre en dessous de 45m, les médecins pensaient que le corps ne pourraient pas résister à la pression. Aujourd’hui, on a compris les adaptations que fait le corps pour résister, et descendre à 40m est à la portée de beaucoup de gens avec un peu d’entrainement.
Une vidéo d’apnée est particulièrement célèbre, « Freefall » de Guillaume Nery. Un français détenteur de plusieurs records.
Quand on a découvert les centres AIDA de Moalboal, j’ai rangé l’équipement de plongée bouteille quelques jours. J’ai fait un premier stage avec Wolgang Dafert, un autrichien au CV conséquent, puis un second dans le centre de Jean-Pol François, un Belge hyperactif dans l’AIDA (Wolfgang n’était pas disponible pour le second). Tous les deux ont eu des records mondiaux. Ils font des apnées statiques de plus de 7 minutes, et plongent en dessous de 70m.
Les stages AIDA fournissent du challenge à ceux qui le veulent. Pour valider l’AIDA 3*, mon second stage, il faut :
- réaliser 2 minutes 45 d’apnée statique
- en piscine, parcourir 55m avec des palmes (en apnée évidemment)
- descendre à 24m
Les deux stages ont été intensifs. Plusieurs sessions de théorie, de piscine et de plongées en mer. On parle de relaxation, de physiologie, d’étirements, de sécurité et on fait plein d’exercices. Ca rentre pile dans le temps imparti, juste ce qu’il faut pour en découvrir un peu plus. Bref, il y a un peu de challenge, ce qui est exactement ce que je cherchais ! En quelques jours, on a réussi à construire une descente à 24m et à largement dépasser mon record d’apnée statique, grâce à la relaxation.
Apnée statique
L’apnée statique est le sport le moins photogénique qu’on puisse imaginer. Un type met la tête sous l’eau, et ne bouge surtout pas pendant le plus longtemps possible.
J’ai pris une vidéo au hasard, dans laquelle vous pouvez admirer à quel point il ne se passe rien. Le record mondial validé par l’AIDA est de plus de 12 minutes !
C’est pourtant passionnant. L’apnée est 50% physique, 50% mental. Pour rester longtemps sous l’eau, il faut être profondément détendu, relaxé. Ca se travaille !
Avec Wolgang, après quelques exercices pour apprendre à respirer par le bas ventre et présenter quelques exercices de relaxation, on va dans la piscine. On respire 2 mn uniquement par le bas ventre en se concentrant sur la respiration, puis on fait 3 longues inspiration du bas ventre puis du diaphragme et c’est parti ! J’ai été surpris d’entendre Wolgang nous suggérer de ne pas remplir à 100% les poumons : avoir les poumons entièrement gonflés crée une tension, ce qui est plus difficile à gérer pour les débutants que de manquer un peu d’oxygène.
On va dans l’eau, et après avoir pris la dernière inspiration on se laisse glisser dans l’eau. On prend une position confortable, où tout les muscles sont détendus. On laisse pendre les jambe, la nuque, les bras. Parfois, Wolgang me pince le bras. Je dois répondre d’un signe « OK » de la main. A un moment, il précise qu’il n’est pas nécessaire de chercher à faire un record cette fois-ci. Je sors paisiblement de l’eau, sans vraiment l’impression d’avoir forcé. 2’05. Le but de ce stage est de dépasser 2 minutes, c’est déjà fait, c’est cool 🙂
On continue pendant le reste de la matinée, à alterner des séances de respiration et des apnées sur ce modèle. On parle peu dans la piscine, car le but est d’atteindre petit à petit un état de presque somnolence. J’ai abordé ce stage très détendu, pas stressé, et ça marche très bien chez moi.
Wolgang nous présente un exercice de relaxation sous l’eau, pour s’enfoncer dans ses pensées et oublier le besoin, lenvie de respirer. Il faut visualiser sa maison. On s’imagine au milieu du salon, et on s’imagine en train de faire le tour de la pièce du regard, en listant les objets et en essayant de les détailler : fenêtre, télévision, table, tapis, canapé, etc. Quand on a fini avec une pièce, on s’imagine marcher dans une autre et on recommence. Je trouve cette technique de visualisation très agréable, d’autant plus que j’ai l’habitude d’utiliser une méthode similaire dans d’autres sport.
Les apnées suivantes me font avancer petit à petit vers des durées toujours plus élevées. 2’40. Je n’ai toujours pas l’impression de forcer. 3’07. Pareil. J’ai l’impression de faire un truc de travers, ça devrait être difficile… Je sens que ça va devenir difficile bientôt, mais les difficultés me paraissent distantes. Je me prends à rêver d’atteindre 3’30, et lors de l’apnée suivante j’atteins 3’37. Lors de cette plongée, je commence à sentir des contractions dans le diaphragme. C’est la réponse biologique normale à une trop forte concentration en CO2 dans le corps, une sorte de signal d’alarme du corps qui indique que la situation n’est pas normale et qu’il faudra respirer. Les contractions sont très légères ceci dit. Pour plonger plus longtemps, il faudra ignorer ce signal, apprendre à faire avec mais pas trop longtemps. Nous continuons après avoir récupéré.
Respiration du bas ventre, glissement dans l’eau, puis exercices de relaxation. J’atteins 3 minutes, puis 3’30. Les contractions apparaissent mais pas très fortes. Plus que 20 secondes pour atteindre les 4 minutes… J’essaie de conserver mon calme mais par sécurité, je me redresse dans une position près à bondir de l’eau. 4 minutes ! J’ai envie de voir comment je peux supporter les contractions et garde la tête quelques secondes de plus, je force un peu… 4 minutes 17. Incroyable. Je ne pensais pas pouvoir dépasser les 3 minutes, alors 4 !
Après avoir pris beaucoup de temps pour récupérer, on en fait une dernière. Vers 3’30, les contractions apparaissent, d’abord insignifiantes, puis intenses à partir de 4 minutes. Impossible de les ignorer, les contractions battent la mesure à chaque seconde. A ce moment là, je me campe sur mes jambes, toujours prêt à sortir de l’eau dans la seconde. J’ai réussi à laisser pendre les bras pour qu’ils n’utilisent pas d’énergie jusque là. J’aimerais serrer les poings comme s’ils tenaient une balle en mousse pour que la douleur aille ailleurs. Je ne fais surtout pas : chaque effort compte et je sais que je risque de gaspiller de l’oxygène. Avec les contractions qui se font de plus en plus présentes, je n’arrive maintenant plus à être présent dans mon salon et lister ce qu’il contient. Wolgang est juste à côté de moi, guettant le moindre signe indicateur de problème. Il annonce 4″30 ! Je sors la tête de l’eau à à 4″37. J’ai bien fait de sortir, pas la peine de s’écrouler quand on débute. C’est fou l’impact de la relaxation sur les performances !
Lors du second stage, lors de ce même exercice je me suis arrêté à 4″03, car je n’avais pas envie du tout de me trouver à nouveau dans la zone « rouge », mais avec de l’entrainement on peut faire des apnées plus longues. On s’entraine notamment à consommer moins d’oxygène par une meilleure méditation, et à mieux gérer des hauts niveaux de CO2 dans le corps (qui font apparaitre ces contractions).
Plongée poids constant
Le principe de la plongée en poids constant est simple : on descend et remonte uniquement à la palme. On précise « poids constant » car il existe d’autres disciplines. La plus célèbre et la plus dangereuse est le fameux « no limit » du grand bleu. On descend avec des poids pour aller le plus profond possible, et on remonte avec un ballon pour pouvoir en parler… C’est la partie extrême du sport, qui n’a pas grand chose à voir avec ce qu’on cherche à faire ici.
Tout commence par un peu de nage en mer. Un filin est rattaché à une bouée. Le premier jour, il est à 11m. On apprend différentes méthodes pour descendre et égaliser, c’est à dire envoyer de l’air dans les oreilles pour équilibrer la pression. La première, c’est les pieds en avant autour du filin, tête en haut. Cette position est la plus simple car il est plus facile d’égaliser tête en haut.
Les deux premières plongées permettent de se familiariser avec la technique, et d’apprendre à bien égaliser : à chaque fois qu’on tire d’une longueur de bras sur le filin, on égalise, et si jamais on rate une égalisation, on ne descend pas plus profond. Le but c’est le confort, en apnée on égalise pas quand ça fait mal mais avant. Jamais on ne met en danger ses tympans ou ses poumons par une mauvaise technique qui peut entrainer des blessures.
J’essaie également de descendre tête en bas. Le style est plus efficace et élégant, mais il est plus difficile dans cette position d’égaliser. Avec un mélange de techniques, j’arrive à améliorer la chose et j’atteins régulièrement le fond. J’ai du rab’ d’air, et m’offre même le luxe de rester quelques secondes au fond à regarder le décor, un superbe récif où se baladent quelques poissons. Remonter est fascinant, tout se passe au ralenti.
Se relaxer en mer, c’est autre chose qu’en piscine. Il y a du courant, de légères vagues… Des choses anodines deviennent déstabilisantes. On est attachés par un liche à la corde. Le liche n’est pas là pour gêner, mais il faut un temps pour s’adapter à présence. Je décide de me concentrer sur la technique d’égalisation.
Certaines choses me sont contre-intuitives. Naturellement, je regarde le fond. La tête ainsi levée, les muscles du cou sont en tension, ce qui est mauvais pour se détendre, et rend plus difficile l’égalisation car cela obstrue également certains canaux. Dans des plongées plus profondes, cela pourra entrainer des lésions sérieuses. Je corrige le défaut et atteins le fond.
De fil en aiguille, on descend la ligne de plus en plus profond. A la fin du premier stage, il faut aller à 16m. A la fin du second, j’atteins 24m.
Ca ne me semblait pas grand chose d’ajouter 8m. Mais c’est un aller retour, donc en fait il faut parcourir 16m supplémentaires. Ensuite, la pression devient de plus en plus forte et il faut habituer le corps très progressivement. A chaque plongée, on ajoute un mètre, en prenant bien le temps de ne pas forcer. Vers 20m, la pression dans la poitrine est forte et sans la négliger, il faut faire avec… finalement, les 8 nouveaux mètres sont plus difficiles que les 16 premiers !
Nico, mon moniteur, a fait quelques vidéos pour m’aider à améliorer la technique. Au niveau du palmage et de la relaxation, ya du boulot ! Voici une vidéo où je descends à 20m.
On voit un peu les sardines avec qui j’ai plongé, et dans la faible visibilité on voit lentement apparaitre le fond. Ca retranscrit parfaitement la sensation d’arriver dans un nouveau monde où tout fonctionne au ralenti.
Ce stage a été une super expérience ! Essayez si vous en avez l’occasion !