La raison principale d’aller à Oslob, c’est d’aller y voir les requins baleines en liberté, le plus gros poisson au monde.
Petit aperçu des requins baleines à Oslob :

Le trajet est folklorique depuis Moalboal. Quand tout se passe normalement, on prend un bus qui nous amene jusqu’à Bato, et de là on prend un second bus pour Oslob. Facile.

Ce qu’on ne nous avait pas dit, c’est qu’il y a des travaux sur la route. Un peu avant d’arriver à Bato, à une quinzaine de kilomètres, un chantier bloque la route. Il faut descendre du bus, traverser le travaux à pied et monter dans un bus de l’autre côté. Le temps qu’on comprenne, qu’on récupère nos bagages, et qu’on fasse le chemin – alors que pourtant on a pas trainé -, le bus d’après le chantier est parti sans nous !

On a passé un moment à se demander comment on allait bien faire. Les travaux sont au milieu de nulle part. Sur cette route qui semble s’étendre à l’infini dans une nuit hostile, il n’y a rien d’un côté, rien de l’autre. Nous n’étions pas sûrs du tout qu’il y ait d’autres bus, il n’y avait clairement pas d’hotel et les hordes de tricycles et moto se sont fait une joie de nous proposer des prix délirants, où qu’on leur demande d’aller. Un bus est finalement arrivé, on a pu monter dedans puis faire le transfert. Arrivés à 8h du soir, on a pu se trouver une chambre quasiment sur la plage et organiser notre journée du lendemain, qui commençait à 5h30 pour être les premiers avec les requins.

Aller nager avec les requins baleines à Oslob est le truc qui nous a le plus travaillé durant ce voyage. On voulait voir des requins baleines et on s’est beaucoup posé la question de savoir si on irait ou non, et si on irait là ou ailleurs à cause de l’impact de ce type de touriste sur les poissons.

Il y a plusieurs endroits où l’on peut voir des requins baleines aux Philippines, mais personne n’a pu nous donner d’informations précises sur où on peut les voir sans interférer. D’autres endroits permettent de les voir, mais ca dépend de plein de conditions et ça n’a pas l’air forcément mieux géré ailleurs.

En posant plein de questions à plein de gens, on a pu croiser différentes manières de voir le problème et on s’est finalement « résignés » à aller les voir à Oslob. Ce qui nous embêtait, c’est le fait que les requins sont en liberté, mais qu’ils sont nourris pour être attirés (sharkfeeding), ce qui pose des problèmes pour les futures générations qui peuvent devenir dépendantes de l’homme. On est également incapable de prédire les conséquences que cela aura sur les flux migratoires de l’animal.

L’espèce est protégée, mais on ne sait pas exactement combien il y en a. On a constaté qu’elle a été fortement mise en danger par la pêche ces dernières années. Le problème, c’est qu’un requin baleine se reproduit très lentement, une fois tous les deux ans ! Bref, s’ils sont trop pêchés l’espèce peut rapidement disparaitre.

Le sharkfeeding a donc commencé à Oslob vers 2011. Les pêcheurs, lassés de devoir arrêter la pêche à cause des requins protégés qui étaient proches de leurs filets, les ont détournés vers les plages le matin, en les nourrissant. Le requin baleine mange du plancton et des petites crevettes.

Un activité touristique s’est développée : faire nager les touristes avec ces requins immenses pendant quelques minutes. En fait, seulement les bébés viennent nager. Les bambins font quand même 4 mètres et c’est très impressionnant !

Greenpeace est venu jeter un oeil à ces activités. Ils sont évidemment contre, mais leur venue semble avoir permis de structurer l’activité. Elle commence à 6h et s’arrête en fin de matinée. Il y a énormément de staff et de régulations. On ne va pas à l’eau sans briefing concernant ce qu’on peut et ne pas faire dans l’eau. Le lieu est clairement balisé par de nombreuses bouées, seuls les bateaux du centre vont à l’eau quand le staff donne son accord, et dans les bateaux il y a beaucoup de staff pour superviser les touristes qui nagent. Ils veillent à ce qu’ils ne s’approchent pas trop et qu’ils ne soient pas trop nombreux. Celui qui touche un poisson se fait sortir manu militari. Au bout de 30 minutes, ils ramènent les gens au sec.

Malgré nos problèmes moraux, on est super content d’y être allés. C’est très impressionnant d’être dans l’eau avec un bébé de 4m ! Ils n’en ont rien à cirer de nous, et plusieurs fois nous avons du les esquiver car il fonçait nonchalamment dans notre direction. Des fois, un requin plonge et nous passe juste en dessous, ce qui est également très impressionnant.

Il n’y a aucun risque à nager avec cette espèce de requins. Contrairement à ce que tout le monde croit depuis les dents de la mer, très peu de variétés sont dangereuses pour l’homme. Celle-ci ne mange même pas de poisson (uniquement des petites crevettes et du plancton) et elle est réputée particulièrement docile.

Ce lieu touristique n’est pas une solution idéale pour les animaux, et ce n’est probablement pas de cette manière qu’on les fera découvrir dans quelques années. On voit ce lieu comme une première étape vers plus de respect envers les animaux. Lors de notre balade au centre de recherche sur les panda de Chengdu en Chine, j’avais apprécié cette phrase dont j’ai oublié l’auteur : « On protège ce qu’on aime, on aime ce qu’on connait, on connait ce qu’on nous apprend ».

En effet, le développement touristique du lieu a du bon. On ne sait pas grand chose des requins baleines. On sait que les adultes peuvent faire jusqu’à 12 mètres, et que seuls les jeunes viennent à la surface, les adultes préfèrent rester bien au fond. On peut également les identifier grâce au motifs des damiers sur leur peau, qui sont unique à un individu. On en sait plus évidemment, mais on comprend très mal beaucoup de choses, comme la manière dont il migre ou leurs habitudes sociales. Suite au développement touristique, Oslob a vu apparaître la construction d’un centre de recherche. Les jeunes requins sont taggués et suivis. On va pouvoir en savoir plus, et même si on ne connait pas les conséquences à long terme, à court terme cela permet aussi au moins de ne pas pêcher par accident des requins baleines.