Je parlerais plus tard de comment on est allé d’Ulan Bator à Beijing, et de ce qu’on y a fait. En attendant voici une petite histoire anecdote sur comment on s’est retrouvé à faire deux fois 28h de train sur un siège. Tout commence alors qu’il n’y avait plus de couchettes disponibles dans les trains se rendant de Beijing à Chengdu. Malins, on a opté pour des places assises, en plus c’est moins cher ! Bon, yen a pour 28 heures de trajet. Oui, sur un siège… Hé bien il n’y a pas que le temps de trajet qui ont rendu cette étape originale.
On s’est donc présenté, un lundi matin, à la gare. Pour y entrer, il faut montrer patte blanche. On passe un contrôle d’identité, puis des détecteurs de métaux, et les sacs passent aux rayons X. Pourtant, le garde regarde nos passeport juste pour la forme. Les chinois sont les vraies cibles. Le gouvernement craint une menace « de l’intérieur ». Ils doivent badger leur carte d’identité. Le gouvernement est donc au courant de le présence à tel ou tel endroit du pays. Ce n’est pas le seul élément qui fait tiquer. Dans le métro, des vidéos éducatives pour adulte décrivent la conduite à tenir en cas de mec saoul un peu pénible : évacuer la rame, faire une vidéo, et dénoncer l’individu à la police. L’univers de 1984 n’est vraiment pas loin…
On arrive à un immense tableau d’affichage, qui indique d’attendre l’accès au train dans le hall 3. On est arrivé une heure avant le départ, croyant être en avance. C’est loin d’être le cas. La vaste salle d’attente, de 100 mètres par 100, est bondé. Plus un siège de libres, et déjà la file devant le contrôle des billets est longue.
A un signal, c’est le top départ d’un bazar conséquent. Ceux qui étaient assis se lèvent d’un bond pour rejoindre la file. Certains escaladent les barrières pour atteindre une meilleure place. La file se transforme rapidement en en un tas informe dans lequel tout le monde se pousse vers les portiques tout en essayant de doubler ses voisins sournoisement. Les quelques contrôleurs, désemparés, font de leur mieux pour regarder les billets, mais ils sont aussi efficaces qu’une épuisette pour retenir une vague.
Une fois l’orage passé, on a pas eu de mal à trouver notre wagon. A l’intérieur, un détail nous amuse : la hauteur des porte bagages. Ils sont à près de 2 mètres de hauteur du sol. Lors de la conception des wagons, on se demande bien ce qui leur a pris de les mettre aussi haut. La petite taille des chinois n’est pas une légende, et beaucoup doivent monter sur les sièges pour y ranger un sac, ou jeter leurs bagages légers pour les placer en hauteur.
On a de la chance d’être assis. Certains sont debout dans les allées. Ils ne cherchent pas leur siège, ils n’en ont tout simplement pas. Il y a trois types de sièges dans les trains chinois : les couchettes, les sièges, et, quand on souhaite économiser un peu d’argent ou lorsqu’il ne reste plus de places dans les autres catégories, les places debout.
Parfois, ceux qui ont des places debout pourront se reposer quelques instants en s’asseyant sur un coin de siège disponible, ou sur un siège libéré quelques minutes par quelqu’un qui va aux toilettes.
Certains de ces passagers ont prévu des petits sièges pliants, qu’ils installent dans les allées lorsqu’il n’y a pas trop de passage. D’autres profitent de l’espace en face des toilettes : c’est un peu large que les autres couloirs. On peut y poser un sac à plat et s’allonger dessus. Malgré l’odeur, c’est un endroit convoité.
Comme le trajet est long, on fini par avoir les jambes engourdies à force de rester assis. Il faut régulièrement se lever pour s’étirer et faire circuler le sang. Vu le peu de place pour bouger ou marcher, ça amène à des séances de gymnastiques un peu étranges. Comme il n’y a parfois pas de place dans les allées, certains montent sur leur propre siège pour s’étirer quelques instants.
Pour aller aux toilettes, il faut également bousculer plein de monde, enjamber ceux qui dorment ou ne réagissent pas. On ne se retient pas, en 28h ce n’est de toutes façons pas jouable, mais on essaie de se limiter car c’est un peu pénible. A la fin du voyage, je vous laisse imaginer l’état des deux malheureux toilettes turc…
Toutes les vingt à trente minutes, des chariots de nourriture passent dans notre wagon. Les chariots sont étroits, 30 à 40 cm de large, afin de pouvoir se faufiler aisément malgré le monde. L’un vend des sucreries, des boissons et des nouilles instantanées à réchauffer soi même. L’autre a, sous plastique, tous les fruits imaginables. Au moment du repas, de nouveaux chariots font leur apparition : ils proposent des plats chauds. L’un d’entre eux, pour 15 yuan (environ 2.1€), confectionne des assortiments de riz, de légumes frits et de viande. Pour 10 yuan (1.4€), on peut acheter un repas plus petit, dans un plat en plastique jetable. Enfin, parfois un agent du train passe avec sous le bras plusieurs pots de nouilles instantanées déjà chaudes, pour 5 yuan (0.7€).
Bref, on ne risque pas de manquer de nourriture, d’autant plus que tout le monde ou presque monte dans le trains avec déjà de sérieuses réserves. Sur la table, on trouve un plat en métal qui sert de poubelle, et qu’un agent d’entretien vient vider de temps en temps.
L’interwagon sert de fumoir. A cause des diverses allées et venues, la porte est presque constamment ouverte. Il n’est donc pas étonnant qu’il règne dans le wagon une odeur de tabac, et parfois on croit même distinguer un fin brouillard lorsque le temps est long entre deux arrêts est long. Non, il n’est pas possible d’ouvrir les fenêtres. Quand on a trop chaud, on fait avec.
Pour passer le temps, beaucoup regarde des films et des séries sur leur téléphone portable. L’usage est de ne pas utiliser d’écouteurs, à croire que ça ne dérange personne. Comme tout le monde fait ça, le wagon ressemble parfois à une étrange cacophonie de bruits d’explosions issues de films d’actions, et de chansons pop chinoise gnan-gnan .
En fait, les chinois semblent avoir des problèmes d’audition (à moins qu’on ne leur ai pas expliqué comment monter le volume) car quand ils parlent au téléphone, on dirait qu’ils hurlent. Généralement, une bonne partie du wagon participe à la conversation, bien malgré elle.
Il n’y a pas de prises électriques où recharger les appareils. Comme toute cette activité électronique est consommatrice d’énergie, un vendeur ambulant vend des batteries externes USB, ce qui leur permet de gagner quelques heures d’autonomie. Vu la durée des trajets, les appareils tiennent rarement tout le trajet en une seule charge. Ainsi, ceux qui ne possède pas de batterie externe se laissent aisément convaincre d’en acheter. Superbe gâchis de ressources et d’énergie..
On voit le décor changer. A proximité de Beijing, le décor est plat et très pollué. On rencontre de nombreuses grandes villes bétonnées, et à l’extérieur des villes on voit des champs de maïs. A mesure qu’on se rapproche du Sichuan, on trouve de petites vallées bien plus vertes, toujours des maisons en béton laid, mais les villes cèdent plus souvent place à de plus petits villages dans lesquels on fait pousser du riz dans des rizières en terrasses.
La nuit, le train se vide. La plupart des passages debout descendent, ou obtiennent des places assises ou couchées grâce à des listes d’attente interminables, en payant un complément à leur billet.
Ceux qui passent la nuit sur les siège, comme nous, luttent pour trouver une position confortable. Vu que tout le monde change régulièrement de position, on se rend vite compte que peu sont vraiment à l’aise. Le lendemain, les visages sont fatigués, et le wagon est moins bruyant. Enfin, jusqu’à ce qu’il se remplisse à nouveau, à la première étape de la matinée.
En sortant, on était content d’arriver. Sur la fin, on en avait franchement ras le bol, et on a eu les fesses et les jambes endolories pendant deux jours à cause de l’inactivité. Pour garder le moral pour la suite du trajet, on a donc fêté cette victoire. Ce jour là on s’est octroyé une après midi de glande intense (c’est quand on ne fait rien, mais intensément), on s’est offert bières et coca (devinez qui a pris quoi ?), et on est allé faire un restaurant chouette le soir.
On s’est dit « plus jamais ça »… mais ça c’est parce qu’on est naïfs. Je raconterais dans un prochain article comment on a été contraint d’acheter à nouveau un billet pour 28h de train sur des sièges, mais c’est ce qu’on a du faire pour se rendre ensuite de Chengdu à Guangzhou.
Nous pensions qu’il n’était pas possible de faire pire que notre première expérience, et rapidement après être monté dans le wagon, nous nous sommes rendus compte que nous avions tord. Au lieu d’être dans des sièges 2×2, nous étions sur des sièges 3×3 : 3 sièges font face à 3 sièges, et une table misérable est au niveau de la fenêtre. Dans ce type de siège, ceux qui sont du côté de l’allée, c’est à dire nous, ont un accès très partiel à l’unique table. Cela rend très compliqué de manger et dormir. Derrière nous, un enfant en bas âge n’a pas manqué de rappeler à de nombreuses reprises qu’il avait de la voix. De même qu’une de nos voisines, qui semblait avoir un besoin pressant de partager avec tout le monde ses conversations téléphoniques, ainsi que les bruits de ses jeux-vidéo. Et puis j’aime bien les chinois, mais ils ont parfois des comportements complètement idiots. Cette même femme jetait nonchalamment certains déchets sous la table, ce qui salissait beaucoup le sol. En effet, en 28h, on produit pas mal de déchets, surtout que les chinois en train mangent beaucoup et souvent. A la fin du trajet, le sol était absolument répugnant et on osait plus mettre nos sacs à même le sol. C’est d’autant plus absurde qu’il y a une poubelle sur la table, et que la poubelle du wagon était à environ 2m… Faut franchement pas avoir invité la machine à courber la banane pour scier la branche sur laquelle on est assis comme ça. On a mal dormi évidemment, et encore une fois on s’est dit « plus jamais ». On croise les doigts en se disant que nous n’aurons plus de longs trajets en train avant quelques temps…
Lol! Je me suis bien amusée en lisant votre article, je m’y serais presque crue avec vous dans ce train…
Pour le prochain trajet je vous conseille boules quies, masque, oreiller gonflable qui empêche aussi les torticolis (parce que c moelleux derrière mais aussi sur les côtés :)). Reste à etudier la question des mauvaises odeurs…
Je sais pas vous, mais moi ça marche à tous les coups!
Courage pour le prochain trajet.
On avait tout ça :'(
C’est magnifique…votre périple…vos commentaires…vos photos….;
On a juste choisi l’itinéraire ! Le reste se fait naturellement. D’ailleurs pour les photos, c’est les décors et tout ce qu’on croise qui sont très photogéniques et qui permettent de facilement ramener des images belles et originales !